Poursuite du flambeau n°4

17/06/2019

Chers visiteurs,

Voici dès à présent l'analyse suivant le texte de Leibniz. Je tiens juste à préciser une petite chose : je qualifie, lors de ma présentation, Leibniz de personne plutôt théique, or ce terme ne veut rien dire ; il me semblait que théologien n'était pas le bon terme, mais tel n'était pas le cas. Je ne ferai désormais plus la même erreur, et je vous prie de bien vouloir m'excuser pour ce désagrément. Je vous souhaite sans plus tarder une bonne lecture :

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Leibniz, libre-arbitre, conscience et volonté

Le texte nous étant présenté fut rédigé par Leibniz et publié dans Remarques sur la partie générale des Principes de Descartes en 1692. Leibniz était un philosophe idéaliste allemand, assez théique et optimiste, ayant vécu entre le XVIIème et le XVIIIème siècles. Ici, il commente une partie de l'œuvre de René Descartes lui étant antérieur. Il y apporte son jugement quant au libre-arbitre car, à l'opposé de son collègue, il considère que la conscience de l'individu n'accorde pas de libre-arbitre. Il supplantera donc l'idée de Descartes avec sa propre théorie. Afin d'en rendre compte, posons-nous la question :

D'où provient le libre-arbitre et à quoi se limite-t-il ?

Nous tâcherons d'y répondre en explicitant le concept de conscience selon Leibniz, puis en expliquant comment la volonté permet une certaine marge de manœuvre au libre-arbitre.


La conception de la conscience est très spécifique chez Leibniz : en effet, il lui octroie une fonction capitale, celle de jugement notamment, mais également celle du traitement des informations perceptives et cognitives. Il l'illustre très bien lorsqu'il énonce que «la conscience n'a qu'à examiner ce qui lui apparaît». En revanche, il nous annonce l'existence d'obstacles à la maîtrise de la conscience par l'esprit ; il va jusqu'à les répertorier afin d'accréditer sa pensée.

Dans son explication, il souligne d'abord le fait que les sensations prennent une part importante dans le processus décisionnel, que ces dernières soient de l'instant ou antérieures. Or, ces sensations proviennent du corps du sujet dont l'individualité lui est propre. Ainsi, la conscience du sujet est tributaire des prédestinations de naissance attribuées au corps, restreignant par-là même sa liberté. Nous pourrions tisser un lien avec divers déterminismes tels que celui naturel, celui psychologique théorisé par Sigmund Freud, et d'autres encore.

Il évoque par la suite un autre aspect du processus décisionnel, à savoir «la présen[ce] à l'esprit» de «raison actuelle» ou de «souvenir actuel». Ce qu'il entend par là, c'est véritablement que le parcours de vie d'une personne façonne sa notion de «vérité». L'individu fut soumis tout au long de son existence à des expériences dont le caractère est parfois loin d'être général. Malgré cela, pour le sujet en question, cette expérience et leurs conséquences prendront place lors du choix à effectuer quand bien même les postulats ne concourent pas à une situation pouvant être qualifiée de similaire, car la perception fut biaisée au préalable. On retrouve par conséquent, dans cette thèse, une similitude avec le déterminisme social, ou «habitus» chez le sociologue Pierre Bourdieu, et celui laplacien, du nom de son créateur, stipulant que «tout événement présent survient en fonction du passé».

Pour clore sa liste d'arguments, Leibniz ne ménage pas ses propos car, en effet, il remet en question, à juste titre, l'efficacité de la mémoire d'un sujet. Pour lui, non seulement elle serait biaisée comme démontré précédemment, mais elle ferait même défaut. Sa conjecture semble fondée puisque, de nos jours, nous avons connaissance de plusieurs cas, pour la plupart juridiques, où de faux témoignages furent proférés non pas par duperie, mais bel et bien par autopersuasion. Cela traduit bien une «infidélité de la mémoire».

Tous ces arguments pourraient, en quelque sorte, être synthétisés en l'expression du philosophe austro-allemand Husserl : «l'intentionnalité de la conscience».

Leibniz, quant à lui, note «l'insuffisance de l'attention» comme à l'œuvre dans le fourvoiement du souvenir. Ceci étant relevé, le chemin vers la seconde grande idée du texte est tout tracé.


Leibniz en arrive à la seconde grande notion de sa pensée du sujet : la volonté. On ne lui mettra pas de majuscule, car sa définition est quasi-antinomique de celle schopenhauerienne. Selon cette conception, la volonté n'a pas le pouvoir d'interprétation qui, rappelons-le, est du ressort de la conscience. Cependant, l'esprit de l'individu peut en user à sa guise, bien qu'elle soit sans doute influencée par le corps lui-même. En dépit de cela, la volonté dont le sujet a le pouvoir peut décider de l'intérêt porté à quelque chose en quelque occasion. De cette façon, «quoi qu'elle ne fasse pas le jugement en nous, elle peut toutefois y exercer une influence indirecte».

Ceci a pour conséquence la fréquente occurrence de divers biais de confirmation, une inclination naturelle compte tenu du poids des influences soumettant la conscience et de cette volonté pouvant agir comme prisme et cache-œil. Si la raison de cette falsification du réel est la seconde raison citée, alors elle est consentie délibérément par l'individu ; cela, ne l'oublions pas, relève du libre-arbitre. Ce phénomène fut merveilleusement mis en mots par l'auteur de notre texte : «Il arrive souvent que les Hommes finissent par croire ce qu'ils voudraient être la vérité, ayant accoutumé leur esprit à considérer avec le plus d'attention les choses qu'ils aiment.».


Concluons donc désormais. Selon Leibniz, qui affirme dans le présent extrait son désaccord avec René Descartes, la conscience n'est pas le domaine du libre-arbitre, mais est au contraire soumis aux influences de moult déterminismes. En conséquence, le libre-arbitre s'acquiert indirectement par le biais de la volonté. Celle-ci a la capacité d'accorder intérêt et attention aux choses désirées par le sujet dans les circonstances qu'il souhaite. Néanmoins, parallèlement, cela implique une interprétation de la réalité, la vérité chez le sujet donc, relativement imparfaite par rapport à l'objet d'interprétation.

Toutefois, Leibniz n'affirme jamais l'existence d'un quelconque libre-arbitre car une interrogation demeure en suspens :

Sommes-nous réellement maîtres(ses) de nos désirs ?

Je vous invite grandement à me communiquer ce que vous en avez pensé ! Merci d'avance, en vous souhaitant une vie harmonieuse !

Le Doute Humain - Blog de pensée
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