Le savoir au bout du phile n°3

17/05/2019

Chers visiteurs,

Ce blog n'est pas une antiquité, et je viens en apporter la preuve aujourd'hui. Dans le présent article, qui n'est autre que mon baccalauréat blanc de philosophie, je réponds à une problématique sensiblement identique à celle se trouvant dans "Le savoir au bout du phile n°1". Dans le développement, vous pourrez retrouver des notions qui se trouvaient déjà dans les articles antérieurs, mais ce sujet me paraît malgré tout intéressant, le professeur l'ayant trouvé pertinent. Je laisse dès à présent la place à la question suivante :

"Un Océan cosmique" par Bernard Romain

La conscience de soi signifie-t-elle liberté absolue ?

"Malgré mes capacités, je demeurai conscient d'être un simple humain.". Cette phrase d'Edward Elric, avant-dernier descendant xerxèsien, n'est pas sans nous remémorer les difficultés inhérentes autour du thème de conscience. En effet, il est ardu de prendre conscience de quelque concept soit-il s'il n'est pas du ressort de cette dernière. Pourtant, c'est une démarche qu'entreprirent bon nombre de philosophes, mais aussi d'artistes ou de scientifiques, afin d'avoir conscience de certains mécanismes et, pourquoi pas, de plus ou moins s'émanciper. Avant même de définir quelques notions, posons-nous dès maintenant la question :

La conscience de soi signifie-t-elle liberté absolue ? La conscience de soi devrait-elle contraindre à négliger l'extérieur ? La connaissance d'un obstacle à ma liberté conduit-elle à son assimilation par la conscience ?

Nous tenterons de répondre à ces interrogations en nous attardant tout d'abord sur le côté libérateur de la conscience, puis en soulignant ses limites.


Avant de débuter, commençons par définir la conscience : c'est la prise en compte d'une connaissance, qu'elle soit sensitive et donc externe ou bien cognitive et donc interne, dans le traitement de l'information et le processus analytique, qu'on pourrait réunir sous le terme de "pensée". René Descartes, philosophe français du XVIIème siècle, l'a résumée de la manière suivante : "Par le mot de pensée, j'entends tout ce qui fait en nous-mêmes de sorte à ce que nous voyions, entendions, ressentions, imaginions.". Toujours selon lui, idéalement, la pensée devrait être axée sur le doute, qui se décompose en deux stades : le premier est celui remettant en question notre perception, facilement trompée par quelque hallucination ; le second est celui remettant en cause tout savoir, par la justification qu'un "malin génie" a pu s'emparer de notre conscience afin de nous persuader que 4 et 4 font 7 par exemple. La seule certitude est le fait que "je pense, donc je suis.", c'est-à-dire que toute pensée, qu'elle soit impertinente ou erronée, démontre l'existence du sujet pensant. On peut y voir un avant-gardisme, un solipsisme avant l'heure, où l'être conscient se rapporte au monde et n'en est plus simplement l'objet. De ce fait, selon Jean-Paul Sartre, philosophe français du XXème siècle : "L'humain est condamné à être libre.".

La conscience de ces concepts, potentiellement faux, pourrait inciter à un certain recul, une certaine abnégation de notre personne et notre environnement, dans une perspective à la fois complémentaire et antagoniste à la précédente. Afin de nous libérer de notre condition humaine d'incertitude totale incarnée en une expérience consciente, nous devrions chercher à transcender cette nature, à aller au-delà de notre existence dans l'optique d'effleurer la Vérité et de ne plus rester sous son joug. Ainsi, Wu Yun, ermite taoïste, et par conséquent chinois, du VIIIème siècle, explique : "L'homme de bien résiste à ses désirs et délaisse, voit le sans-forme, entend le sans-nom. [...] Il s'unit à l'essence suprême.". Dans cette vision de frugalité, Françoise Giroud, femme politique du XXème siècle, déclare : "Le désir n'a jamais fait la preuve de l'existence de l'objet du désir.".

Également, pour le bien de la liberté individuelle, le rapport à autrui peut s'avérer être un bienfait. Aussi contre-intuitif que cela puisse sembler, Thomas Hobbes défend cette position en le domaine juridique, en arguant que la loi est la condition nécessaire de l'expression de la liberté : "Les lois ne se préoccupent que des actes, les Hommes sont donc libres de penser ce qu'ils veulent.". Son idée est en fait que sans contrainte, il est absurde de parler de liberté, ce qui est permis, possible d'effectuer, implicitement, des contraintes sont requises. Et donc, dans une société, pour qu'il y ait l'existence de la liberté, les restrictions de la loi sont nécessaires. De plus, dans un autre registre que celui pénal, la liberté peut s'obtenir via l'héritage technologique, philosophique, etc., de l'humanité, nous permettant d'élargir le monde visitable ou de la pensée. Plus encore, la relation avec autrui, bien qu'elle puisse parfois être néfaste, peut dans le dialogue m'apporter des notions utiles et possiblement émancipatrices, ou à défaut de cela, permettre de mieux me connaître en me comparant à l'autre. "Nul n'est une île.", disait Thomas Merton, moine d'une branche chrétienne contemplative.


Néanmoins, la pleine conscience de nous-mêmes n'est nullement aisée, elle peut même être impossible. En tout cas, elle se rapportera toujours au monde duquel nous sommes tributaires. Pour complexifier la tâche, il existe différents déterminismes entravant ce but. Tout d'abord, le déterminisme concernant les conditions matérielles d'existence, idée de Karl Marx, théoricien du communisme au XIXème siècle, stipule que l'individu sera soumis aux prédestinations de naissance. S'il naît dans une famille de prolétaires et avec une tare mentale, il ne pourra nullement être l'égal de son antagoniste bourgeois et sain d'esprit. Ensuite vient le déterminisme naturel, celui qui régit les lois de la nature  : on ne peut modifier la gravité sur Terre. S'ensuit le déterminisme laplacien, du nom du théoricien, selon lequel nous sommes tributaires de tous les événements antérieurs à nous et, d'une façon ou d'une autre, responsables des événements ultérieurs à nous. C'est un peu similaire à la thèse du battement d'aile d'un papillon qui, additionné à tous les éléments auxiliaires, passés et présents, cause la formation d'un ouragan. Yoshino Takigawa, dans une phrase assez mystifiée, illustre cela : "Je me demande combien de promesses de lendemains ont disparu avant même d'avoir existé.". Arrivent enfin les deux derniers déterminismes, à savoir celui psychologique et et le fatalisme. Selon la théorie de Sigmund Freud, premier théoricien de la psychanalyse à la fin du XIXème siècle, notre inconscient, inaccessible à première vue, serait responsable de certains de nos actes, non-prémédités : quant au fatalisme, il lui paraît clair que tout survient en fonction d'une raison, tout serait déjà joué d'avance, acté d'avance. Dans la synthèse de ces deux idées, Baruch Spinoza, philosophe portugais naturalisé néerlandais, déclare que "tous se vantent d'être libres par le simple fait qu'ils ont conscience de leurs appétits mais non des causes les déterminant." ; dans l'idée de la dernière uniquement, Aika Fuwa affirme que "nul comédien sur scène ne peut ignorer son texte pour faire comme bon lui semble.".

Enchaînons, suite à cette longue partie, avec celle du rôle déterminant de l'expérience consciente. Exact contraire du doute de Descartes, "l'intentionnalité de la conscience" est un concept développé par Husserl, philosophe austro-allemand du début du XXème siècle. Son credo était de dire : "Selon que je vois, que je me souviens, que je pressens, que je ressens, je ne serai pas amené à percevoir les choses de la même manière.". Trivialement, cela signifie que la pensée, loin d'agir passivement tel que l'œil, est tiraillée en fonction des dispositions de la personne : humeur, expériences passées, socialisation, état de santé, etc. L'ensemble de ces facteurs relevant de la spécificité du parcours de l'individu et influençant son être actuel fut nommé "habitus" par Pierre Bourdieu, sociologue français du XXème siècle. Ainsi, en restant trop focalisés sur nous-mêmes, nous limitons notre liberté en cela que nous reposons notre jugement et nos actes uniquement sur notre individualité. Pour expliciter le fourvoiement de cette démarche, Shinobu Oshino déclara : "Changer le monde de soi-même est impossible, mais le déformer ne devrait pas être si ardu.".

Un dernier élément cantonnant notre liberté est la morale. Même si cela est probablement bénéfique, il n'en reste pas moins que la morale restreint notre champ des possibles car, selon Jean-Jacques Rousseau, penseur des Lumières, "la conscience, morale, est la voix nous poussant à aimer le bien et pas seulement à le connaître.". Ainsi, il est acté que l'être inconscient sera plus libre, puisqu'il ne s'empêchera pas de faire du mal à autrui. La conscience morale agit ici comme un garde-fou, et ce qu'elle garde et nous prive, c'est la liberté. Pour appuyer cette antithèse de l'altruisme, sans aller jusqu'à prêcher la cruauté, Koyomi Araragi constate qu'"être gentil avec tout le monde signifie simplement que personne n'est spécial.".


En conclusion, nous devrions retenir que, pour que la liberté ait du sens, nous avons besoins de contraintes initiales ou intégrées. Ces contraintes ne méritent pas que l'on en geigne lorsqu'elles sont initiales, puisqu'on ne peut les altérer. Comme disait Yoshino Takigawa : "Faisons face à la réalité. Abandonnons tout pouvoir onirique.". Quant aux contraintes intégrées, nous devons tâcher de nous réformer si elles sont impertinentes et au fond de nous-mêmes, et méritent d'être combattues si elles sont illégitimes et collectives. Toutefois, prendre conscience de quelque chose n'est pas chose aisée en raison des limites de la condition dont on ne peut se délester que péniblement, d'autant plus que le malin génie peut toujours rôder dans les parages. Mais finalement, ce malin génie, ne serait-ce pas... "Le Monde comme volonté et comme représentation" d'Arthur Schopenhauer, le célèbre philosophe du prétendu "pessimisme du XIXème siècle ?

Je vous invite grandement à me communiquer ce que vous en avez pensé ! Merci d'avance, en vous souhaitant une vie harmonieuse !

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